Récemment j’ai vécu une situation incroyable qui m’a encore rappelée l’impact que les expériences négatives peuvent avoir sur le jeune cerveau d’un enfant.

Sur la recommandation d’un ami, j’ai décidé de regarder un vieux film. Il a été extrêmement populaire à sa sortie et c’est l’un des chefs-d’œuvre du Professeur Gervais Mendo Ze, intitulé « Japhet et Jinette ». Ce film je l’ai regardé il y a très longtemps à la télévision nationale comme tout le monde. J’étais encore une petite fille de 6 – 7ans, qui squattait les maisons du voisinage pour regarder un bout de film ou série. De ce film je n’avais retenu que la belle mélodie, qui de temps en temps revenait à mon souvenir. Alors mon ami n’a pas eu besoin de me convaincre trop longtemps, j’étais heureuse de regarder de nouveau ce beau film.

LA PEUR : UN PUISSANT STIMULUS !

Je n’avais plus aucun souvenir du film. En le regardant tout me semblait nouveau, seule la mélodie m’était connue. Le film, même s’il date des années 90, relate des faits de société qui restent encore actuels. Mais ce n’est guère la raison pour laquelle je vous en parle ce jour.

Je regardais le film depuis environ une heure déjà quand subitement mon rythme cardiaque s’est accéléré, je suis rentrée un peu plus dans mon siège. Mes sens se sont tout de suite mis en alerte. Aujourd’hui, je sais que mon amygdale a été activée. Mon cerveau venait d’activer le mode protection. Fait encore plus troublant, bien que je ne me souvienne d’aucune des scènes regardées jusqu’à cet instant, je savais exactement ce qui allait suivre. Je savais que Japhet ferait une tentative de viol.

J’ai été brutalement ramenée à mon enfance, à ce jour où j’avais regardé ce film. Je me suis souvenue de la peur que j’ai éprouvée en voyant la peur sur le visage de Coco jadis. Toutes ces émotions sont apparues intactes, comme si elles avaient toujours été présentes en moi. Ma formation en neuroscience m’a poussée à m’interroger plus en profondeur. Je me suis demandé l’impact que cette scène a pu avoir sur ma relation avec les hommes ou avec moi-même. Je me suis demandé quelles connexions avaient pu se mettre en place dans mon cerveau après cette expérience ?

NEURONES MIROIRS : NOTRE SUPER POUVOIR

La neuroscience nous apprend aujourd’hui que notre cerveau, qui est un organe social, réagit instantanément à l’expression de la peur venant d’autres personnes. Nous ressentons la peur de l’autre même si nous ne comprenons ou ignorons ce qui a causé cette peur. Et cela ne se limite pas seulement à la peur ! Si vous êtes comme moi, alors vous bâillez instantanément quand vous voyez quelqu’un d’autre le faire. Il en va de même pour de nombreux autres comportements. Nous devons cette réaction à un groupe de neurones, appelés neurones miroirs.

La découverte du système de neurones miroirs est considérée comme l’une des plus importantes de la recherche en neurosciences. Le SNM est l’un des super-pouvoirs de notre cerveau. Il nous permet de nous relier les uns aux autres sans la nécessité de nous parler. Juste en observant l’autre, nous imaginons et ressentons avec la même force comme si nous y étions. N’est-ce pas merveilleux ? Le SNM est impliqué dans les fonctions neurocognitives telles que le langage, qui permet à nos enfants de parler notre langue juste en étant à notre contact. Grâce à lui également nous développons l’empathie ou la violence dépendamment de notre environnement et le reflet miroir dans notre entourage.

APPRENDRE PAR L’OBSERVATION : DANGERS ET OPPORTUNITÉS

A l’âge de 7 ans, j’ignorais totalement ce qu’était le viol, mais en voyant la peur de Coco, l’actrice qui jouait la petite sœur de Jinette, j’ai ressenti la même peur qui ne m’a jamais quittée. J’avais de nouveau devant moi la preuve qu’au-delà des écrans, ce sont les programmes mis à la disposition des enfants qui sont les plus dangereux.

Un article publié dans la National Library of Medicine, nous révèle que l’une des fonctions fondamentales du SNM est la compréhension des actions. En fait, chaque fois que nous observons certaines actions exécutées par une personne, les neurones miroirs représentant l’exécution de cette action sont activés et transforment ainsi l’observation en connaissance. Mais notre incroyable cerveau va encore plus loin puisque les neurones miroirs sont même capables de reconnaître l’intention associée à l’action exécutée. Tout comme moi qui à 7 ans avais compris tout de suite que Japhet ferait du mal à Coco. Tout comme l’enfant qui même à 6 mois sera en mesure de comprendre chaque action qu’il absorbe dans son environnement. D’où l’importance pour les parents d’être attentifs aux programmes présentés aux enfants.

Il faut noter que le SNM comprend les actions, non seulement en termes de résultats, mais aussi en termes d’états mentaux, et en particulier d’objectifs, qui les ont générées. Par conséquent nous avons la capacité inouïe juste par un simple regard, d’anticiper sur les actions de notre partenaire, notre enfant ou tout autre personne. Et c’est là que la maman en nous se demande: “mais pourquoi ils ne copient que les mauvaises choses !!!”. Ne vous inquiétez pas, ils copient aussi les bonnes actions. Les mauvaises sont simplement celles qui déclenchent des émotions fortes chez nous.

La nécessité pour les adultes de protéger le jeune cerveau des enfants dans cette phase critique qu’est la petite enfance a été évoquée dans notre précédent article, qui met en relief l’opportunité, mais plus encore le danger que représente la plasticité cérébrale pour nos enfants. 

Dans notre société capitaliste actuelle, le temps est devenu notre plus précieuse richesse. S’il est vrai que nos enfants sont nos biens les plus précieux, le plus beau cadeau que nous puissions leur faire ne serait-il pas de leur offrir de notre temps ?

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