En 2019, j’organisais un grand repas de Noël à la maison. Je recevais la famille et particulièrement une tata que j’aime beaucoup. J’avais prévu un grand festin ! Et paradoxalement j’avais également prévu de passer ces jours de fête à boire, manger et surtout à ne pas mettre un bout de nez à la cuisine. Je racontai mon programme à une bonne amie quand elle s’est écriée :

          « Toi là ! tu ne peux même pas laisser la cuisine, tu vas vouloir contrôler et t’assurer que tout est bien fait ! »

          « Mes grandes filles sont là, elles savent déjà comment j’aime que mes repas soient faits. Je leur fais confiance et si ça ndem on va seulement gérer. J’ai prévu de faire le met de pistache un jour avant, parce que je ne leur ai pas encore montré comment faire cela, mais pour le reste je suis absente de la cuisine. »

Bien entendu mon amie ne m’a pas crue ! Ai-je besoin de vous dire la joie indescriptible qui m’animait quand elle m’a rappelée le soir du 24.12 et que j’étais assise au salon en train de siroter tranquillement mon rosé ? Ai-je besoin de vous dire la fierté que j’éprouvais à regarder mes filles tout gérer de main de maître ? Ai-je besoin de vous dire le bonheur qui était le mien de franchir un cap aussi important ?

Pendant des années, j’ai cru que je pouvais tout gérer seule. Et puis un jour, j’ai appris à déléguer, et cela a littéralement changé ma vie.

  LE SYNDROME DE LA FEMME AFRICAINE FORTE ET INEPUISABLE

Chez nous au pays, la notion de « femme forte » est souvent glorifiée. On attend des femmes qu’elles soient des piliers indéfectibles pour leur famille, leur communauté et parfois même leur lieu de travail, cela souvent au détriment de leur santé physique et mentale. Ce stéréotype, bien que valorisé culturellement, peut avoir des conséquences profondes :

  1. Santé mentale affectée : Le poids des responsabilités cumulées, combiné au manque de soutien, mène souvent à des niveaux élevés d’anxiété et de dépression. Nous avons grandi dans un environnement dans lequel nous avons regardé nos mamans se lever à l’aube, se mettre ensuite au travail jusqu’à la nuit tombée, ceci tous les jours de leur vie. Alors, si nous ne faisons pas autant, c’est un véritable échec ! Nous sommes soit faibles soit de mauvaises femmes. Selon l’Organisation mondiale de la santé, environ 66 millions de femmes en Afrique souffrent de dépression et de troubles anxieux, et 85 % d’entre elles n’ont pas accès à un traitement adéquat.
  2. Burnout physique : La nécessité de répondre aux attentes élevées de la société sans possibilité de repos ou de répit mène de nombreuses femmes à un épuisement qui peut provoquer des maladies telles que l’hypertension ou des troubles cardiovasculaires. Aujourd’hui, nous évoluons dans un contexte social propice à l’épuisement social. Un article de « L’Effet Positif«   souligne que l’épuisement professionnel découle d’un stress non résolu à long terme, affectant particulièrement les femmes noires.
  3. Isolement social : Porter ce masque de « force inépuisable » empêche souvent les femmes de demander de l’aide. Nous sommes nombreuses à avoir vu nos mamans dans l’action tous les jours de leur vie. Combien sommes-nous à avoir réussi à surprendre un sourire sur leur visage. Je parle de ce sourire vrai qui vient de l’intérieur, combien sommes-nous ?

Ce syndrome, parfois appelé « hyper-responsabilité culturelle », n’est pas une fatalité. Reconnaître le problème est une première étape vers le changement.

POURQUOI EST-IL SI DIFFICILE DE DÉLÉGUER ?

  •  La peur de perdre le contrôle : Ce sentiment d’utilité, d’être celle vers qui tout le monde se tourne à la recherche de solutions. Celle qui, grâce à sa baguette magique, apporte sourire, joie et bonheur. Bref, celle dont la présence est absolument indispensable au fonctionnement de la famille. Je me rappelle avoir été une fois en présence d’une autre super woman, je lui ai demandé s’il lui arrivait de penser à sa mort ? C’était dur, mais cela l’a aidée à remettre les choses en perspectives.  Même si nous avons souvent l’impression que personne d’autre ne pourra faire les choses aussi bien que nous, nous devons laisser l’opportunité à nos enfants, nos parents, nos conjoints et autres de nous montrer toute la créativité dont ils peuvent faire preuve. Parfois, ils feront mieux que nous et c’est tout aussi bien parce que nous aurons participé à révéler un super talent !
  • Un manque de confiance : Faire confiance aux autres pour réaliser une tâche importante peut être difficile. Alors, on ne demande pas de l’aide à notre conjoint pour faire les courses parce qu’il va tout faire de travers. On ne laisse pas notre bébé nous aider à découper la tomate parce qu’il va être trop lent. Et pourtant, demander de l’aide et faire confiance à son entourage sont essentiels pour bâtir des relations solides. Je me souviens de cette petite princesse, frustrée parce que sa maman ne la laissait pas l’aider à la cuisine. La maman ne s’était pas rendu compte que son attitude avait affecté la confiance en soi de son enfant. Je rappelle souvent aux mamans que laisser les enfants nous aider est un investissement dans notre avenir. Imaginez enfin ce moment, où vos enfants reprendront les choses en main et cela passe par la phase complexe de l’apprentissage qui demande du temps et de la patience.
  • La culpabilité : Déléguer peut parfois nous faire sentir coupable, comme si nous étions paresseux ou que nous imposions un fardeau aux autres. Je crois que dans chaque famille il y a cette tante dont tout le monde médit à son insu, la traitant de paresseuse : « Tata là tout ce qu’elle sait faire est s’asseoir et donner des ordres, elle-même ne fait RIEN. » J’ai grandi en sachant que cette tante-là n’était surtout pas l’exemple à suivre. Dans ce contexte, déléguer est un aveu de faiblesse. La preuve ultime de notre incapacité à être à la hauteur, à être cette grande et forte femme africaine.

Et pourtant, la recherche nous apprend aujourd’hui que la délégation efficace est une compétence clé pour les leaders, car elle permet non seulement de réduire leur propre stress, mais aussi de favoriser l’engagement et l’autonomie des membres de leur équipe.

COMMENT J’AI APPRIS À DÉLÉGUER

Ce n’est pas venu du jour au lendemain. Il a fallu d’abord que je reconnaisse que je ne pouvais pas tout faire seule, sans sacrifier ma santé ou mes relations. J’ai la facilité de pouvoir mettre rapidement les actions en place une fois que je réussis à identifier un problème. Quand j’ai réalisé que je n’y arriverai pas, j’ai très vite mis tout le monde à contribution. Du plus grand au plus petit. Heureusement pour moi, je ne suis pas une perfectionniste. Je suis exigeante sur la façon de faire les choses mais pas nécessairement sur le résultat. Ce qui est important pour moi c’est de donner son maximum pour que ce soit bien fait et ensuite on tire les enseignements des résultats, qu’ils soient négatifs ou positifs.

Aujourd’hui, en plus de mes projets personnels et de ma famille, j’ai un emploi à temps plein. Pouvoir tout gérer me demande d’être très organisée, mais surtout d’avoir des personnes ressources autour de moi vers qui je peux me tourner pour TOUT. Et avoir ces personnes n’est pas une question de chance, notre propre attitude est déterminante. Pour apprendre à déléguer, je recommanderais de suivre les étapes suivantes :

  1.   Identifier les tâches essentielles : Ce n’est pas toujours facile, mais lister les tâches nous permet de prendre réellement conscience de tout ce qui nous consomme du temps et de l’énergie. Même dresser la liste du menu de la semaine est une tâche extrêmement énergivore. Alors listez TOUT. Ensuite séparez ce qui est vraiment crucial de ce qui peut être confié à quelqu’un d’autre. De cette façon, vous avez une idée claire de votre besoin et cela est facile pour mettre en place l’étape suivante
  2.   Choisir les bonnes personnes : Que ce soit dans un cadre professionnel ou personnel, trouver des personnes fiables et compétentes peut être très challengeant. Mais une fois que vous avez défini les tâches que vous souhaitez déléguer, noter les compétences requises pour les exécuter peut faciliter les recherches. Avez-vous besoin de quelqu’un avec une grande capacité d’analyse, de prise d’initiative, de communication ou autre… Trouver la personne va parfois vous demander de la patience, mais n’abandonnez pas !
  3.   Communiquer clairement : J’ai aussi appris à expliquer précisément ce que j’attendais et à fournir les outils ou les informations nécessaires. J’étais plutôt de la team : « Mais il doit savoir que… Mais elle ne voit pas comment je fais souvent ? » Bref cela m’a rattrapée tant de fois, qu’aujourd’hui je fais le maximum pour communiquer clairement et au détail près. Et quand ça ne marche pas, je mets toute mon énergie à ne surtout pas blâmer l’autre et à me remettre en question pour savoir ce que j’aurais pu faire différemment.
  4.   Laisser aller : C’est probablement la partie la plus difficile pour de nombreuses femmes. Accepter que tout ne sera pas parfait. Mais il faut passer par là si on veut se libérer de l’espace pour des tâches qui nous stimulent et nous rendent heureuses. Nous sommes souvent retenues dans la démarche par la peur que tout ne se passe pas bien. Et si tout se passait bien ? c’est possible n’est-ce pas ?

Essayer de tout faire seule pousse de nombreuses femmes au bord de l’épuisement. Les nuits courtes, le stress constant et ce sentiment de ne jamais être assez bonne nous éloignent de nos objectifs et de ce qui compte vraiment pour nous

CONCLUSION

Mesdames, apprendre à déléguer va vous aider à réduire votre stress, à mieux gérer votre temps, à renforcer vos relations, mais surtout à encourager l’autonomie de vos enfants.

Ces bienfaits sont appuyés par une étude parue dans Harvard Business Review (2019), qui a montré que les managers ayant des compétences avancées en délégation améliorent les performances globales de leur équipe tout en réduisant leur propre charge mentale.

Déléguer n’est pas un signe de faiblesse, mais une preuve de sagesse et de leadership. C’est une compétence à cultiver, qui peut transformer votre vie. Votre foyer est une entreprise et vous en êtes le manager. Alors, quelles tâches pouvez-vous confier dès aujourd’hui ? Faites le premier pas et vous pourriez bien être surprises des résultats !

6 réflexions sur “Comment Déléguer m’a Sauvé La Vie”

  1. Oui, j’ai appris à déléguer mais je pense que mon problème est que je suis une perfectionniste donc quand ça ndem une ou deux fois fois je reprend les devant. je pense qu’il est temps pour moi de lâcher un peu prise sur le rendu. Merci bien

    1. Merci pour ton commentaire☺️🙏🏾
      La prochaine fois que la perfectionniste pointe le bout de son nez, il faudra lui rappeler que c’est à travers l’erreur qu’on apprend le mieux. Reprendre les choses en main c’est priver l’autre de l’incroyable opportunité de s’améliorer et d’apprendre de ses erreurs👌🏾 Alors bon courage à vous, je sais à quel point ça peut être difficile 🙂👌🏾

    2. Ah oui !
      je me retrouve bien dans cette description de « femme forte et inépuisable » mais qui aujourd’hui est très épuisée et au bord de la dépression.
      De perfectionniste que je suis, je dois vraiment lâcher prise !
      Merci vraiment pour les conseils.

  2. Gisèle Moutcheu

    Merci coach pour ces conseils aux parents.
    Déléguer les tâches ménagères est vraiment le secret d’une vie légère. À vouloir tout faire seule,la femme s’épuise et les conséquences de l’épuisement ne se font pas. attendre : bonjour les maladies et hop! s’en suit le délaissement de la famille.
    Parfois l’épuisement déclenche une vague de maladies si bien que pour une période plus ou moins longue,on devient plutôt une charge pour les siens .
    Pourtant,si on avait délégué, confié les petites tâches aux enfants, à l’époux,on n’en serait pas là.
    Femmes,jeunes ou moins jeunes,il n’est pas tard pour essayer de prendre soin de soi. Surtout que ce faisant,on forme les enfants,on prépare la relève.

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