
– Mama, tu sais, j’ai une camarade de classe qui fait parfois des choses bizarres…
– Ah bon !? Et qu’est-ce qu’elle fait ?
– Parfois, elle s’assoit, écarte un peu les pieds, ensuite elle pose le pied sur la table et dit qu’elle veut être une séductrice ! Elle veut que tous les hommes tombent à ses pieds !
J’ignore comment cette conversation avait réellement débuté, mais cette partie est restée très présente dans mon esprit. Aujourd’hui l’hypersexualisation fait tellement partie intégrante de notre société moderne qu’on en vient à ne pas remarquer à quel point elle transforme la conscience de nos jeunes enfants.
Des médias aux réseaux sociaux, en passant par la mode et les publicités, les messages à caractère sexuel sont devenus banals, souvent véhiculés par des images et des contenus destinés à attirer l’attention par l’exacerbation de la sexualité. Cependant, l’exposition précoce des enfants à ces contenus peut avoir des effets préoccupants sur leur développement psychologique, émotionnel et social.
L’hypersexualisation des enfants : une réalité inquiétante
L’hypersexualisation désigne la tendance à donner une connotation sexuelle à des comportements, des apparences et des produits qui, en temps normal, n’en devraient pas avoir. Elle se manifeste par des représentations d’individus, notamment des femmes et de plus en plus d’enfants, dans des postures, des tenues ou des attitudes exagérément sexualisées. Ce phénomène est amplifié par l’industrie de la mode, la publicité, les clips musicaux, et plus encore, qui véhiculent une image stéréotypée de la beauté et de la sexualité.
Ce qui était autrefois réservé à des représentations d’adultes s’est insidieusement étendu aux enfants, notamment à travers la mode et les produits médiatiques ciblant un public jeune. Des vêtements destinés aux filles de plus en plus sexualisés, des programmes télévisés et des clips musicaux où des jeunes sont présentés de manière suggestive, ou encore des jouets et des produits de maquillage destinés aux tout-petits, sont autant d’exemples qui illustrent cette dérive.
Les réseaux sociaux, accessibles dès le plus jeune âge, jouent également un rôle majeur. Les enfants y sont exposés à des influenceurs et des modèles qui adoptent des comportements et des styles de vie où la sexualité est mise en avant, créant une pression de conformité pour atteindre un idéal de beauté irréaliste. Cela contribue à créer un environnement où l’apparence et la séduction priment, même chez les plus jeunes.
En fin de compte, cette jeune fille de 13 ans qui rêve d’être une séductrice n’est qu’une conséquence malheureuse de ce qu’est devenue notre société. Nous entendrons parfois nos influenceurs dire qu’ils ne sont pas responsables de cette dérive et que c’est à chaque parent d’éduquer son enfant. Ces dires semblent logiques, mais la vérité est que tous les adultes où qu’ils soient sont responsables de l’éducation des enfants.
Impact psychologique de l’hypersexualisation sur les enfants
L’exposition à l’hypersexualisation peut avoir des conséquences profondes sur le développement des enfants. Leur perception de la normalité en est faussée. Au lieu d’explorer leur identité et de se construire en fonction de leurs intérêts et de leurs aptitudes, ils peuvent être poussés à croire que leur valeur dépend principalement de leur apparence physique et de leur capacité à plaire aux autres.
Les impacts psychologiques peuvent inclure :
- Baisse de l’estime de soi : L’exposition à des modèles sexualisés dans les médias est corrélée à une diminution de l’estime de soi chez les jeunes filles. Elles se comparent à des images irréalistes et peuvent développer un sentiment d’inadéquation par rapport à leur propre corps. Cette jeune fille est persuadée que sa valeur dépend du regard que les hommes peuvent porter sur elle.
- Développement de troubles alimentaires : L’hypersexualisation est un facteur de risque important pour le développement de troubles alimentaires comme l’anorexie et la boulimie, particulièrement chez les adolescents. L’attention excessive portée à l’apparence et la pression de se conformer aux idéaux de beauté favorisent ces comportements.
- Sexualisation précoce et comportements à risque : L’exposition à des contenus sexualisés est associée à une précocité des comportements sexuels chez les adolescents. Le caractère sacré des rapports sexuels mis à la poubelle et la vulgarisation de la fameuse affirmation : « c’est mon corps et j’en fait ce que je veux » n’ont fait qu’empirer la situation.
- Hypersexualisation et harcèlement scolaire : La sexualisation des enfants contribue aujourd’hui à des phénomènes de harcèlement scolaire. Dans un établissement scolaire de la ville de Douala, des jeunes qui avaient partagé avec des camarades des images de leurs organes sexuels subissaient un chantage de la part du chef de groupe. Ils avaient l’obligation d’aller encore et toujours plus loin dans ce qu’ils devaient montrer au cas contraire leurs images seraient publiées sur les réseaux sociaux. Ou encore ces jeunes filles qui doivent montrer leurs seins en classe ou payer pour ne pas être obligées de le faire.
Les conséquences sont nombreuses… Mais comment sortir de là ?
Stratégies d’intervention et prévention
Les chercheurs proposent plusieurs stratégies pour limiter les effets de l’hypersexualisation :
- Renforcer l’éducation aux médias : Les programmes d’éducation aux médias aident les enfants à développer un esprit critique face aux images qu’ils consomment et à comprendre les messages sous-jacents aux représentations sexualisées. Il est impératif pour nous parents de rester en alerte et de communiquer avec nos enfants sur les médias auxquels ils sont exposés au quotidien.
- Favoriser des représentations positives et variées : Promouvoir des représentations diversifiées des enfants et des adultes dans les médias, qui valorisent non seulement l’apparence physique, mais aussi les compétences, les émotions et les valeurs, peut aider à contrer l’impact de l’hypersexualisation. Malheureusement le sexe fait vendre. Les propriétaires de médias qui font du business n’y renonceront pas aussi facilement.
- Encourager les parents et les éducateurs à discuter des normes sociales : Les discussions sur les attentes sociétales en matière de beauté et de sexualité, ainsi que l’accent mis sur l’importance de la confiance en soi et des qualités intrinsèques, peuvent aider les enfants à résister aux pressions de l’hypersexualisation. Les valeurs que nous transmettons aux enfants dès leur plus jeune âge est l’un des meilleurs moyens pour nous parents de contrer ce phénomène.
Conclusion
L’hypersexualisation de la société a des répercussions inquiétantes sur les enfants, influençant leur vision d’eux-mêmes et des autres de manière négative le plus souvent. Les parents, les éducateurs et l’ensemble de la société doivent s’unir pour lutter contre ce phénomène, en offrant aux enfants des repères positifs qui les aident à grandir en toute sécurité et à se construire une identité équilibrée, loin des diktats imposés par la culture hypersexualisée. En œuvrant ensemble, nous pouvons offrir un environnement plus sain et protecteur pour les générations futures.