Enfant je rêvais de la relation extraordinaire que j’aurai avec mes enfants. Nous serions les meilleurs amis du monde ! Rien à voir avec ce que faisaient mes parents ! Je connaîtrai toutes les histoires de mes enfants, ils connaîtront les miennes et nous vivrons tous heureux toute l’éternité !

Un vrai conte de fée à l’américaine ! Il faut dire que les séries TV comme Beverly Hills ne sont pas du tout étrangers à cette perception de la parentalité et son idéalisation. Quoiqu’il en soit, dans ma tête tout était clair et facile. Mais à cette époque, personne ne m’avait prévenue que la vie n’a rien à voir avec les films et que les choses ne se mettent pas en place aussi facilement !

Alors, faut-il faire ami-ami avec ses enfants ? Vaudrait-il mieux que chacun reste à sa place ? Quelle est la meilleure attitude à adopter ?

Psychologie du développement : Les besoins fondamentaux de l’enfant

L’évolution des relations familiales a vu émerger un modèle de proximité plus grand entre parents et enfants. Aujourd’hui, nombreux sont les parents qui cherchent à être perçus comme des amis par leurs enfants. Cette tendance reflète un désir de renforcer la complicité, d’encourager une communication ouverte et d’établir un lien de confiance durable. Mais cette amitié parent-enfant n’est pas sans risque.

D’un point de vue psychologique, les théories du développement comme celles de Jean Piaget ou Erik Erikson, montrent que les enfants ont besoin de cadres structurants pour se développer sainement. Selon Erikson, les premières années de la vie sont marquées par des stades de développement où les enfants doivent résoudre des crises psychosociales. Par exemple, au stade de l’enfance, la crise se situe entre l’autonomie et la honte/doute, ou encore entre initiative et culpabilité. Dans ces périodes critiques, les enfants ont besoin de figures parentales qui leur donnent des repères, plutôt que des relations de pure amitié.

Les conséquences d’une relation d’amitié sans limites peuvent affecter cette construction. Si un parent cherche trop à être un ami, il peut manquer d’exercer le rôle de guide nécessaire à la résolution des crises développementales. Cela peut entraîner des troubles d’autonomie chez l’enfant ou une difficulté à comprendre les limites sociales dans ses futures interactions.

Il faut se souvenir que l’enfant arrive au monde avec un cerveau plus ou moins vierge et c’est en observant et en interagissant avec son environnement qu’il apprend les codes de la société.  Montrer comment gérer les relations amicales ou professionnelles avec respect et intégrité les aide à comprendre la différence entre l’autorité parentale et les amitiés qu’ils développeront. Nous, parents, sommes les référents principaux de nos enfants.

Neurobiologie : La maturation cérébrale et la prise de décision

La neurobiologie nous apprend que le cerveau des enfants, et surtout celui des adolescents, n’est pas entièrement mature, en particulier au niveau du cortex préfrontal responsable de la prise de décision et du contrôle des impulsions. Cette région continue de se développer jusqu’à l’âge adulte. Les enfants et les adolescents ont donc besoin de parents pour réguler et encadrer leurs comportements, car ils n’ont pas encore acquis la pleine capacité de régulation émotionnelle et de gestion des risques.

Un parent qui se positionne trop comme un ami peut négliger cette fonction de régulateur. Si un enfant se tourne vers son parent comme il le ferait vers un pair pour rechercher validation et approbation, il pourrait ne pas recevoir les limites ou les corrections nécessaires à son développement cognitif et émotionnel.

Récemment, un ami me confiait les difficultés que sa femme a à se faire respecter de ses enfants aujourd’hui. Cette maman voulait tant que ses enfants soient ses amis qu’elle se confiait à ces derniers sans filtre. Elle leur parlait de ses problèmes avec son mari, avec la famille, elle leur confiait TOUT. Cette dame n’a pas compris qu’être un parent bienveillant est d’abord et avant tout être un parent à l’écoute de son enfant et de ses besoins. L’essentiel est d’adopter une posture d’écoute active, tout en restant ferme sur les règles et les limites à ne pas franchir.

Le jeune cerveau des enfants a besoin de limites pour se structurer. Si un parent cherche avant tout à être un ami, il peut négliger son rôle d’autorité, créant ainsi une incertitude chez l’enfant sur ce qu’il peut ou ne peut pas faire. Des études sur l’attachement, comme celles de John Bowlby et Mary Ainsworth, montrent que les enfants ont besoin d’une figure d’attachement stable et sécurisante pour explorer le monde et se développer sainement. Un parent qui adopte un rôle trop égalitaire, sans distinction entre amitié et parentalité, pourrait ne pas fournir cette base de sécurité nécessaire.

À l’adolescence, où l’enfant cherche à affirmer son identité, les amitiés entre pairs deviennent primordiales, et les parents doivent rester des modèles de stabilité. Une relation trop fusionnelle ou amicale entre parents et adolescents peut entraver cette quête d’indépendance et provoquer des conflits, voire des difficultés à développer des relations interpersonnelles équilibrées avec d’autres adultes ou pairs plus tard.

Sociologie : Changement des dynamiques familiales

Aujourd’hui, les familles tendent vers plus d’horizontalité dans les relations, réduisant la distance entre adultes et enfants. Cette égalité perçue, combinée à l’augmentation du temps passé ensemble favorise des relations plus amicales.

Cependant, les recherches sociologiques montrent qu’il est important de maintenir des rôles distincts pour éviter la confusion. Une étude réalisée par Baumrind (1966) sur les styles parentaux a distingué trois grands types de parentalité : autoritaire, permissif et démocratique. Le style démocratique, souvent considéré comme le plus équilibré, combine à la fois une forte demande (discipline) et une grande réactivité (affection). Dans cette approche, les parents établissent des règles claires tout en étant à l’écoute des besoins de l’enfant, maintenant ainsi une frontière claire entre autorité et amitié.

Une bonne relation parent-enfant repose sur une communication sincère et sur la confiance mutuelle. Lorsque les enfants sentent qu’ils peuvent se confier à leurs parents sans crainte d’être jugés, cela favorise leur épanouissement émotionnel et leur sécurité affective. Un parent avec qui l’enfant partage des moments complices, des jeux, ou des discussions intimes permet de solidifier ce lien.

Dans ce cadre, la notion d’amitié peut être bénéfique : elle permet de déconstruire le modèle parental autoritaire pour favoriser une écoute active et une proximité affective. L’enfant se sent alors soutenu, respecté et valorisé. Cependant, il est important de ne pas confondre amitié et relation parentale, car ces deux concepts, bien que complémentaires, répondent à des besoins différents.

Pour moi par exemple, la clé est de ne jamais laisser passer la moindre blague ou réflexion déplacée, c’est primordial. Je suis la maman qui va mettre la musique à fond et danser sous la pluie avec ses enfants face au regard désapprobateur de la grand-mère qui ne pense qu’au fait que ses petit-enfants vont attraper froid ! Mais même dans ces moments de jeux et de folies, chacun doit toujours se rappeler quelle est sa place.

4 règles d’or pour maintenir l’équilibre :

Ø  Affirmer son rôle de guide : meilleure partenaire de jeux et maman ferme et autoritaire quand c’est nécessaire. Encore une fois : ON NE LAISSE RIEN DE DÉPLACÉ PASSER. RIEN !

Ø  Favoriser une communication ouverte : encourager l’enfant à s’exprimer sur ses ressentis et ses préoccupations est fondamental. Mais cela ne doit pas effacer la hiérarchie naturelle de la relation.

Ø  Respecter l’intimité de l’enfant : Même si j’ai parfois envie de TOUT savoir, je respecte le fait que mes enfants ne me racontent pas tout. Mais je leur fais toujours sentir ma disponibilité à écouter.

Ø  Montrer l’exemple : Les enfants se construisent en observant leurs parents. Alors si vous êtes incapables de fixer les limites dans vos relations, alors il est fort probable qu’ils en fassent de même !

Conclusion

L’amitié entre parents et enfants peut être une richesse si elle est bien encadrée. Toutefois, il est essentiel de maintenir des frontières claires pour que l’enfant se sente à la fois guidé et sécurisé. Le parent n’est pas un simple ami, mais un pilier sur lequel l’enfant peut compter pour se construire dans la stabilité et la confiance. Concilier complicité et autorité est la clé pour favoriser une relation saine et épanouie.

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