
Les résultats du Baccalauréat camerounais ont été publiés il y a peu. La sentence est sans appel : 37,26% de réussite sur l’ensemble du territoire national. Certains crient au scandale, les mêmes qui hier clamaient que le Baccalauréat camerounais était devenu de la serpillère que n’importe qui pouvait piétiner à n’importe quel moment. Nous avons encore là la preuve que la compréhension et la maîtrise des émotions est un art qui semble nous être difficilement accessible.
TOUS DES CANCRES CES ENFANTS !
Comme beaucoup, j’ai lu les réactions ici et là de parents qui traitaient les enfants de cancres et d’idiots. Les parents qui y allaient à coup d’interdiction et de grandes résolutions. Et comme c’est souvent le cas, on s’égosille à traiter les conséquences. Parce que bien entendu, aller à la recherche des causes est un exercice bien trop fastidieux et contraignant pour notre petit confort. Aller à la recherche des causes nous demanderait de lever les yeux et de regarder dans le miroir, sans détour. Un regard droit et non fuyant qui nous obligerait à nous remettre en question. Aller à la recherche des causes peut ressembler à un pèlerinage bien trop douloureux, duquel on ne saurait sortir indemne.
Alors on crie encore et toujours plus fort pour masquer les voix qui viennent de l’intérieur. On crie encore et toujours plus fort pour masquer la peur qui nous contracte l’estomac, les intestins et tout le tube digestif ! Elle nous tient avec une telle force qu’on craint s’évanouir. Alors oui, on crie parce que, semble-t-il, on en a tous les droits.
– N’avons-nous pas payé la scolarité dans l’une des meilleures écoles de la ville ?
– N’avons-nous pas payé les meilleurs répétiteurs de la ville pour assurer le suivi ?
– N’ont-ils pas été traités comme des petits princes et princesses avec des dizaines de milliers de FCFA d’argent de poche tous les mois ?
Tous des ingrats ces enfants, idiots et bêtes comme leur mère ! On débite autant d’invectives que notre vocabulaire nous permet, nourrissant secrètement l’espoir que cela soulagera la douleur et la colère qui nous étreignent ; Mais hélas sans succès !
MAIS CETTE COLÈRE, VERS QUI EST-ELLE DIRIGÉE EN RÉALITÉ ?
Dans le processus de deuil, certains parents, après avoir déversé leurs frustrations sur les enfants, se sont tournés vers les enseignants. Tous des incapables, tous des cons qui ne savent pas comment effectuer leur travail. C’est possible qu’ils le soient. Il est tout de même essentiel que les parents se souviennent que l’éducation commence à la maison. Parents et enseignants doivent collaborer pour assurer la réussite des enfants. Nous ne pouvons décemment abandonner l’éducation de nos enfants aux nounous, répétiteurs, enseignants et réseaux sociaux et espérer obtenir le résultat que nous avons imaginé dans le confort de notre belle voiture, dans notre belle maison, sans avoir pris le temps de mettre les fondamentaux et d’assurer le suivi.
La statistique qui pour moi est la plus pertinente et qui à mon avis expliquerait l’ensemble de ces résultats est celle des résultats du baccalauréat littéraire : moins de 13% sur l’ensemble du territoire. Ce résultat reflète parfaitement la réalité qui est la nôtre aujourd’hui. Selon le rapport d’analyse de l’Annuaire statistique du secteur de l’éducation et de la formation au Cameroun de 2022, 56% d’élèves francophones qui finissent le primaire ne savent pas lire. Vous avez donc 56% d’enfants qui entrent au lycée sans les compétences importantes en lecture, quel résultat espérer si ce n’est le miracle si bien vendu par la religion ? Ça fait des mois que je le répète, la lecture est le chemin de la réussite scolaire et sociale. Alors oui ces résultats obtenus au baccalauréat, aussi douloureux soient-ils, sont justes et justifiés et devraient tous nous interpeller.
Récemment j’ai assisté à un séminaire très intéressant et l’un des intervenants, un docteur dans le domaine de l’informatique, nous a révélé que l’une des difficultés principales qu’il rencontre dans la formation des jeunes aujourd’hui est leur incapacité à lire et à retranscrire correctement. On parle bien ici du domaine de l’informatique. Cette intervention m’a ramenée à une conversation tenue avec un parent qui me confiait fièrement : « Bof, quand je travaille avec l’enfant je ne regarde même pas ces matières littéraires hein… On fait juste les matières scientifiques. C’est le plus important ». J’étais bien entendu choquée d’entendre cela, mais j’étais surtout triste pour l’enfant. J’ai bien entendu essayé de lui transmettre l’importance et l’impact que la lecture avait dans tous les domaines d’apprentissages. Et surtout que c’était la base de ces apprentissages. Hélas ! Son esprit n’était pas encore prêt à m’entendre. J’espère, que toi qui me lis en ce moment, tu l’es un peu plus.
COMMENT LA LECTURE IMPACTENT LA RÉUSSITE DES ENFANTS
Quand on lui demande ce qu’il enseigne aux enfants, le Dr Stanley, professeur international en informatique répond naturellement et sans détour : « je leur apprends à lire et à écrire, c’est aussi simple que cela ». Cette réponse est totalement en harmonie avec ce que j’essaie au quotidien de transmettre aux parents et aux enfants. Je le répéterai autant de fois que nécessaire, la lecture est la base de la réussite scolaire chez les enfants. Comment ça marche ?
- Compréhension des problèmes : De nombreux problèmes dans le domaine dit scientifique, sont présentés sous forme de mots. La capacité de lire efficacement et de comprendre le langage utilisé dans ces problèmes est essentielle pour identifier les informations clés et formuler une stratégie de résolution.
- Résolution de problèmes complexes : La lecture stimule le cerveau, améliorant la concentration, la mémoire et la capacité d’analyse. Cela aide les enfants à développer des compétences critiques comme la pensée logique, la résolution de problèmes et la créativité. Lire aidera le jeune enfant à apprendre à traiter l’information de manière critique et analytique. Une compétence essentielle pour résoudre des problèmes mathématiques complexes qui nécessitent souvent une analyse approfondie et une séquence logique d’étapes.
- Transfert de compétences : L’enfant qui est un bon lecteur transfère aisément ses compétences analytiques et mémorielles à tous les autres domaines académiques. La langue est la base sur laquelle est enseignée toutes les autres matières. Avoir des lacunes en langue a immanquablement une incidence sur toutes les autres matières. Si vous trouvez que votre enfant, malgré ses difficultés en lecture, est bon en mathématiques, assurez-vous qu’il le restera encore plus tard quand les concepts deviendront plus complexes. Ou alors dites-vous qu’il peut atteindre des niveaux d’excellence encore plus élevés si son niveau en lecture s’améliore.
- Préparation à la vie adulte : La capacité de lire efficacement est essentielle dans la vie quotidienne, que ce soit pour suivre des instructions, comprendre des contrats ou simplement s’informer sur des sujets d’intérêt personnel. Pouvoir lire et comprendre par soi-même donne aux enfants un sentiment d’indépendance et renforce leur confiance en leurs capacités intellectuelles.
En résumé, la lecture est inhérente à toutes les formes d’apprentissage aussi bien chez les enfants que chez les adultes. Une compétence en lecture solide facilite non seulement la compréhension des concepts mathématiques, mais elle renforce également la capacité des élèves à résoudre des problèmes, à interpréter des données et à communiquer efficacement leurs idées mathématiques.
CONCLUSION
Je crois intimement que l’éducation est l’arme puissante qui peut nous aider à changer profondément et durablement notre société. Maria Montessori disait : « Ce qui manque, ce n’est pas le temps, c’est la patience ». Je le vois dans le regard des enfants avec qui je travaille quand ils se tournent vers moi avec les étincelles pleins les yeux, fiers d’avoir réussi ce qu’ils s’imaginaient être impossible.
Aujourd’hui, nous parents, devons apprendre la patience, l’écoute et l’empathie pour nos enfants. Tout cela ne saurait être remplacé par une jolie tablette ou un joli téléphone.